Le thème de l'exponentielle est un leitmotiv entonné de concert par les collapsologues et les survivalistes. Les auteurs francophones les plus populaires de ces milieux (Pablo Servigne et Pietro San Giorgio) en font mention de manière similaire : seuls les indicateurs utilisés pour montrer la trajectoire exponentielle de l'humanité diffèrent en partie. Ainsi, si les deux auteurs mettent en avant l'accroissement explosif de la population (ce qui les inquiète que ce soit pour des raisons écologiques ou de ressources disponibles par être humain - impliquant paupérisation voire apparition de conflits) et parlent tous deux d'indicateurs tels que la consommation d'énergie, la concentration des gaz à effet de serre ou la dégradation des sols, Servigne (dans Comment tout peut s'effondrer) mentionne également l'utilisation de l'eau, des voitures ou des téléphones tandis que San Giorgio (dans Survivre à l'effondrement économique) se penche plutôt sur les dettes financières. La crainte est que face à un tel emballement, notamment celui de la population mondiale, la courbe grimpant à un rythme exponentiel rencontre un plafond de limites de ressources (ou passe un seuil de maintenabilité) et chute brutalement...
Le sujet a de quoi effrayer quand on voit tous ces exemples d'accélération, d'autant plus quand ils sont représentés de manière visuelle. Le plus pertinent indicateur est sans doute la mesure de la population mondiale, qui est assez facile à mesurer de manière fiable pour ce qui concerne les derniers siècles (ou à estimer dans le cas de passés plus lointains). Surtout, c'est un indicateur central, qui a un impact sur tous les autres cités (la pollution, par exemple, dépend du nombre d'humains présents - bien qu'elle soit variable par être humain selon son niveau de vie, ses comportements en tant que consommateur, etc).
La population mondiale a-t-elle subit, dans une période récente, un augmentation accélérée, une explosion ? Sur un intervalle de 12 000 ans, on peut aussi constater sur ce graphique que durant la moitié de cette période, le tracé se confond quasiment avec celui du trait horizontal de l'échelle, avant d'effectivement de quintupler du début du 20ème siècle (1,5 milliard d'habitants) à aujourd'hui (7,5 milliards) :
On pourrait critiquer le choix de l'échelle de 12 000 ans (proposée par wikipedia, et reprise par San Giorgio) en montrant qu'au cours du dernier siècle, la courbe n'a absolument pas cette allure et augmente de manière quasi constante (on peut obtenir un tel graphe à partir des données de l'INED, de l'OCDE ou encore de la Banque Mondiale) :
Toutefois une échelle aussi réduite (l'intervalle de temps, bien qu'il permette d'avoir des nombres plus fiables, est court puisqu'il est limité aux 70 ou 80 dernières années selon les sources) n'est pas forcément pertinente car l'Histoire de l'humanité ne peut se réduire du milieu du 20ème siècle à aujourd'hui : elle a été parsemée de chocs biologiques (épidémies comme progrès de la médecine), technologiques (des poteries aux bombardiers) et énergétiques (du feu de bois au charbon, en allant jusqu'au pétrole et au nucléaire - qui a cependant une importance secondaire dans la consommation énergétique de l'humanité, par rapport au pétrole mais aussi au charbon). A partir de données moins précises (car basées sur des estimations si on remonte à plus de quelques siècles) mais remontant bien plus loin dans le temps, on observe bien une explosion démographique au cours des 4 derniers millénaires, période durant laquelle la population a le plus changé et qui permet d'avoir pour milieu de l'échelle des abscisses (l'échelle horizontal) l'an 0, afin de pouvoir encore mieux comparer les 2 intervalles de 2000 ans :
Source de données : https://en.wikipedia.org/wiki/World_population_estimates
Fichier de données générées à partir des sources de la page ci-dessus : télécharger. Remarque : les données des sources divergent parfois beaucoup (à -1000 ans, HYDE (2010) estime la population à 115 millions tandis que McEvedy & Jones (1978) l'estime à 50 millions ! J'ai pris le parti de prendre la source la plus récente dans ce cas précis, même si j'ai dû me contenter de la source McEvedy & Jones pour l'an -2000, ce qui donne une progression plus importante entre -2000 et -1000 que si j'étais resté uniquement sur les chiffres de McEvedy (ce dernier ayant des chiffres bien inférieurs à Hyde pour les périodes les plus antiques). A partir de l'an 1, les sources proposent des données assez proches, que j'ai donc simplement moyennées jusqu'à partir de 1950, où j'ai juste pris la source la plus récente (les chiffres ne variant guère entre les différentes sources, la précision des données s'améliorant avec leur récence).
C'est donc seulement à partir de l'an 1700 qu'on commence à observer une forte croissance de la population. Cette croissance est si tardive que l'échelle de 4000 ans suffit encore à écraser l'évolution récente. Si on regarde donc seulement les 3 derniers siècles, on obtient :
Pour autant, si on regarde attentivement la fin de cette nouvelle courbe ou le "zoom" qu'on a fait dans la courbe basée sur les données récentes des dernières décennies (graphe 2), on peut voir que depuis le milieu du XXème siècle environ, après la seconde guerre mondiale qui stoppa un moment la croissance de la population, cette dernière augmente ensuite de manière constante, à la manière d'une droite. Cette courbe étant une moyenne de l'ensemble des populations du monde, on pourrait ajouter qu'en fait, en les regardant une à une, certaines se sont stabilisées voire décroissent légèrement, tandis que d'autres augmentent avec une allure qui ressemble (jusqu'à maintenant) à une exponentielle. Mais le mélange de toutes ces allures donne au final une droite. Or si ce qui nous intéresse est l'humanité dans sa globalité (ce qui est plutôt judicieux, vu les interconnexions intenses entre les différentes nations et continents), on constate bien une droite quasi parfaite pour les 60 dernières années, et une droite n'est pas une exponentielle !
Une exponentielle est assez facile à reconnaître, c'est une courbe dont les valeurs augmentent de plus en plus vite (trouvez l'intruse non exponentielle dans les courbes ci-dessous) :
Daprès les données publiques présentées plus haut, depuis 1960 au moins, l'augmentation de la population mondiale n'a absolument pas cette allure qu'ont les courbes exponentielles bleu ou verte ci-dessus. Nous allons voir pourquoi en comprenant comment une courbe exponentielle montante ou grimpante (dont les valeurs vont augmenter, et non baisser de plus en plus vite : nous ne sommes clairement pas dans ce cas-là pour la population mondiale) peut être générée. Pour créer une telle courbe, on part d'une valeur de départ (ou initiale) supérieure à 1 (par exemple 1), multipliée par une valeur (ou facteur) constante et positive et supérieure à 1 (par exemple 2, mais une valeur de 1.01 fonctionnerait tout aussi bien, et cela correspondrait à ce qu'on appelle couramment une augmentation de 1%, ce qui peut donner de grands nombres, augmentant de manière impressionantes, avec assez d'itérations). En langage mathématique, on parle de suite géométrique de raison 2 (si le facteur multiplicatif est de 2) de premier terme 1.
Ces multiplications successives par le même nombre engendrent très rapidement des valeurs énormes, d'où le célèbre mythe des grains de riz sur l'échiquier, qui nous rappelle que le nombre 1 multiplié par 2 donne 32 au bout de la 5ème multiplication, mais 1024 au bout de la 10ème multiplication seulement, et plus d'un million à la 20ème, et qu'on dépasse rapidement le milliard à la 30ème itération. L'impression effrayante d'emballement, et de perte totale de contrôle, ainsi que l'état de sidération provoqué par la découverte du concept permet de faire passer des messages avec une grande puissance.
Le problème est qu'on n'observe pas cela dans l'évolution récente de la population mondiale, qui croît de 400 millions d'individus tous les cinq ans de manière quasi-constante depuis une quarantaine d'années (https://fr.wikipedia.org/wiki/Population_mondiale#%C3%89volution_depuis_1950).
Pourquoi ? Parce que le taux d'accroissement de la population mondiale (ou croissance démographique), qui fait office du fameux facteur multiplicatif dans la définition d'une exponentielle, n'est pas constant ! Il diminue régulièrement ! L'accroissement démographique aurait atteint un pic de 2,2 % en 1963 d'après Hervé Le Bras, dans son ouvrage Population (Hachette, 1986). Il est de 1.2% en 2015 (cela revient à dire que la raison de la suite géométrique est de 1.012 en 2015). Ainsi, avec une population totale qui augmente mais un taux d'accroissement qui diminue, l'un compense l'autre et l'augmentation de la population est - par hasard - simplement constant, avec un ajout de 800 millions d'individus tous les 10 ans tout de même, soit 80 millions par an ! En tout cas, si à un moment donné, sur un intervalle de temps assez grand, l'accroissement de la population avait un air d'exponentiel, il a à présent un air de suite arithmétique (la population totale n'est plus multipliée par un facteur constant, on lui ajoute simplement une valeur constante, de 80 millions par an).
Cette évolution progressive mais non négligeable n'est qu'une moins mauvaise nouvelle étant donné le nombre d'êtres humains déjà présents, mais l'augmentation de la population mondiale semble au moins assez prédictible et régulière : l'explosion se trouve derrière nous.
Recherchons tout de même l'explication, assez bien connue (pour ceux qui suivaient leurs cours d'Histoire-Géo au collège), de cette diminution de la croissance démographique.
Nous l'avons vu, l'explication pour laquelle la population mondiale récente n'a pas l'allure d'une exponentielle, c'est tout simplement parce qu'elle n'en est pas du tout une au sens mathématique du terme : la population mondiale n'est pas multipliée d'une année sur l'autre par un facteur constant, il a plutôt tendance à décroître. Ce facteur constant, qui correspond au taux d'accroissement de la population, a été quasiment divisé par deux depuis son pic en 1963.
Pourquoi une population d'être vivants croît-elle de moins en moins vite ? Soit sa mortalité augmente, soit sa natalité diminue. Etant donné les progrès de la médecine et l'allongement de la durée de vie survenue au cours du 20ème siècle, la mortalité a plutôt eu tendance a baisser et l'explication est plutôt une baisse de la natalité. On peut invoquer des raisons économiques (le système de retraite évite de devoir compter sur ses enfants pour ses vieux jours, élever des enfants coûte cher, que ce soit pour les entretenir jusqu'à leurautonomie mais aussi en terme de logement qui doit être plus grand, et dans les pays riches où les femmes font moins d'enfants, ils se trouvent qu'une grande majorité travaille autant que les hommes, contrairement aux pratiques passées, ce qui limite leur possibilité d'élever un grand nombre d'enfants et les pousse aussi à reculer la naissance du premier enfant afin de faire avancer leur carrière - car les recruteurs fuient les femmes enceintes ou voulant l'être, et une femme partie en congé maternité aura son avancement retardé). On peut aussi parler de raisons sociétales (légalisation de la contraception, qui permet une libération sexuelle sans marmots) voire instinctives (nous vivons de plus en plus dans un environnement urbain, et cette densité de population ne donne peut-être pas envie d'en rajouter). Il peut aussi s'agir de décisions politiques comme la politique de l'enfant unique en Chine. Certains tenteront d'arguer que baisse de croissance, que cette courbe des populations (européennes notamment) qui prendrait la forme d'une cloche est annonciatriced'une effondrement, mais sa cause n'est pas un manque de ressources, vu que les Européens sont bien plus riches que les autres peuples du monde (mis à part quelques autres Etats, notamment l'Amérique du nord). Tout juste pourrait-on arguer qu'ayant une assez forte densité de population sur le territoire, les Européens auraient pu restreindre leur population par manque d'une ressource nommée terres, mais nous l'avons vu, d'autres raisons semblent l'expliquer de manière bien plus grande
Mais comment expliquer l'explosion démographique que le monde a connu dans le passé ? C'est le moment de ressortir les cours d'Histoire-Géo et de parler du phénomène de transition démographique : une population passe d'un état donné où se côtoient forte natalité et forte mortalité (qui se compensent à peu près donc l'accroissement est faible au final) à un état où on trouve à la fois faible natalité et faible mortalité (qui se compensent donc à nouveau). Entre le premier état et le dernier, se sont en fait succédée deux phases l'une où la mortalité baisse alors que la natalité ne baisse pas (encore) et cela entraîne un fort accroissement de la population, et l'autre où la natalité baisse elle aussi, diminuant l'accroissement. Etant donné qu'une partie de la population mondiale a terminé sa transition démographique (donc faible taux d'accroissement) mais qu'une autre l'a seulement entamé (avec donc encore un fort taux d'accroissement), le cumul des deux fait qu'on n'a ni une courbe quasi plate ni une courbe exponentiel. Le mécanisme de transition démographique allant de la sens d'une diminution de la natalité, on peut suffisament supposer que l'on tendra un jour vers une stabilisation, à l'image d'une courbe logistique dont nous avons déjà passé le point d'inflexion (I sur la figure suivante), puisque le taux d'accroissement de la population mondiale diminue depuis 60 ans :
L'accroissement rapide qui a caracterisé le 20eme siècle pourrait donc, suivant ce modèle, tout simplement se réduire et arriver a une stabilisation. C'est ce que pensent certains démographes qui misent sur un stabilisation à 9 milliards d'être humains voire une décroissance dès 2050, et c'est ce que prévoit l'ONU : https://www.populationdata.net/2019/06/18/109-milliards-humains-en-2100/
"Il apparaît que de 7 713 468 000 habitants en 2019, nous passerons à 10 874 902 000 habitants dans le monde en 2100. Une progression qui peut paraître faible au regard de la croissance démographique des dernières décennies"
Sur ce graphe, on peut ainsi voir que l'ONU prévois avec une certitude de 95% que la population mondiale se situera entre 9,5 milliards et 12,5 milliards à l'issue du sicèle, le plus plausible étant environ 10,9 milliards.
Si on regarde la courbe moyenne, on perçoit clairement une inflexion de la courbe : d'une part elle croît de moins en moins vite, et d'autre part nous arriverions à un stabilisation en 2100 :
Ainsi nous avons montré que la population mondiale ne suit pas ou plus une allure exponentielle. Quand Servigne tente, par une métaphore automobile, de dire que "l'aiguille de la vitesse se met à vaciller" : reconnaît-il subtilement, sans préciser le moment que nous sommes déjà sorti de cette "explosion exponentielle" dont parle San Giorgio ? Ce ne serait pas incohérent de la part du collapsologue, car on sait que pour Servigne, un ralentissement des courbes précède leur chute (et l'effondrement de notre civilisation), les milliards d'humains sur terre ayant dépassé la "capacité de charge" de la planète. Cependant, ce ralentissement est-il le fait d'une trop forte limitation des ressources ? Est-il un fait récent ou en fait déjà ancien ?
Nous avons vu que le taux d'accroissement de la population mondiale a passé son pic dans les années 60 : ce phénomène est donc relativement ancien, à comparer avec les prédictions d'effondrement qui se situent souvent dans un avenir très proche (années 2020 ou 2030). Ce phénomène n'est pas vraiment lié à des ressources trop limitées, puisque dans les années 60, on les considérait encore comme abondantes. L'explication se trouve plutôt du côté de la transition démographique, donc nous avons parlé. Par un heureux hasard donc, le fort accroissement de population que nous avons connu touche a sa fin au moment où l'on commence, semble-t-il, à arriver à un seuil de limitation des ressources (production de minerais, de pétrole... le premier risquant d'empêcher la transition à des énergies dites renouvelables). La question restant en suspens est : est-ce que même si elle se stabilise, la population pourra se maintenir à long terme ? Ce n'est donc pas un accroissement explosif dans les décennies qui viennent qui pourraient causer un effondrement (ou plus doucement, un effritement progressif du niveau de vie comme les peuples occidentaux le ressentent depuis des années), mais la durabilité du niveau de vie que nous avons acquis et que d'autres veulent atteindre.
Globalement, 4 schémas sont imaginables pour l'évolution de l'humanité (et notamment de son nombre), et comme on le sait en raison de notre empreinte écologique trop importante, les collapslogues prévoient une diminution drastique de la population humaine, qui aurait passé un stade de non-retour :
Notons, car cela concerne le sujet de l'article, que l'auteur de la vidéo corrige ici sa définition de fonction exponentielle : https://medium.com/@arthur.s.keller/maladresse-exponentielle-6e90587c470c et en profite pour ajouter : "les paramètres du monde évoluent selon des trajectoires qui s’apparentent à des exponentielles (une formidable accélération) mais n’en sont pas au sens mathématique strict du terme". Ainsi, même des collapsologues reconnaissent l'utilisation abusive du terme "exponentiel"... Le problème, pour ce qui est de la population mondiale, est que même dans un sens non strict du terme, on a pu constater que depuis 60 ans au moins la courbe n'a même pas une allure expontentielle ! Dans la vidéo, à la 8ème min, Arthur Keller le confirme (pour le PIB et d'autres indicateurs) "ça avait vraiment une tête d'exponentielle depuis pas très longtemps [...] la courbe a plutôt cette tête-là [une sigmoïde, donc une courbe en forme de S qui après une allure exponentielle, ralentit] donc l'empreinte écologique que l'humanité a sur la Terre augmente moins vitge qu'avant". Keller invoque comme raisons de ce ralentissement des limites physiques, qui sont indéniables : les métaux sont de plus en plus difficiles à extraire, le pétrole a un taux de rendement énergétique deplus en plus faible (ce qui pourrait rendre encore plus difficile l'extraction des métaux, jusqu'à rendre la construction d'éoliennes et de panneaux solaires non rentables énergétiquement s'il fallait trop d'énergies -essentiellement fossiles- pour les produire sans que ce soit compensé par leur amortissement durant leur durée de vie limitée)... Mais la ralentissement de la croissance de la population mondiale (et en particulier européen) n'est pas du tout lié à des questions de limites physiques mais à des raisons médicales et sociétales ! Ce ralentissement particulièrement fort de la croissance des populations riches pourrait même expliquer que les consommations de ressources augmentent de moins en moins vite... Egalement, que tant d'infrastructures sont déjà été construites que les besoins en matière premières ont pu décroître dans les pays riches (néanmoins, étant donné le coût d'entretien et d'amélioration des infrastructures, ainsi que la construction et la consommation toujours importante dans un cadre individuel, on peut douter de cette dernière hypothèse : sur une année, l'entretien d'un pays riche coûte peut-être plus cher en ressources que le développement d'un pays pauvre qui se moderniserait).
A-t-on dépassé les limites de la terre et notre civilisation est-elle soutenable, au prix de quelques sacrifices en terme de confort et d'innovation ? Keller pense clairement que non, la biocapacité diminuant depuis des décennies se basant sur les travaux de l'ONG Global Footprint Network, qui prétend que l'humanité dépasse la biocapacité depuis 1970 et qui a propulsé le concept de "jour du dépassement". Notons cependant que le mode de calcul de ce jour est contesté (https://fr.wikipedia.org/wiki/Jour_du_d%C3%A9passement#Critiques et que d'une manière générale, estimer la biocapacité, dans toutes ses subtilités et ses conséquences est difficile, ainsi que ses possibilités de régénération avec ou sans l'aide de l'Homme.
Une analyse objective de cet indicateur, de ses modes de calculs et des conséquences de la biocapacité en baisse pourra faire l'objet d'un article futur.
Pourquoi parler aussi souvent d'exponentielle alors qu'un scientifique comme Pablo Servigne (qui a quand même passé un doctorat), sait les biais que peuvent créer les échelles dans l'interprétation d'une courbe (ce qui est particulièrement vrai dans le cas de la population mondiale : on a vu en figure 1 que si à première vue, sur 12000 ans -donc en écrasant la courbe récente- on a une allure exponentielle, avec la figure 2 on est plutôt sur une évolution constante au 20ème siècle et que le taux d'accroissement est de plus en plus faible) ?
D'une part, cela permet d'éveiller un sentiment de peur : cela permet de dire que nous sommes sur une trajectoire explosive, et il apparaît comme intuitif qu'une hausse si importante et non maîtrisée amène à une chute brutale (l'effondrement prédit) plutôt qu'à une simple stagnation ou à un progressif (et peut-être léger) déclin. D'autre part, au-delà du sentiment de peur, la sifération fait son apparition : un sentiment bien utilisé par les hypnotiseurs et les mystiques pour faire passer leur message. Cela justifie une posture morale (dont les origines sont peut-être profondément culturelles, et plus précisément religieuses : un individu, sans être chrétien - Pablo comme Pietro sont de culture chrétienne - peut tout à fait intérioriser certains préceptes moraux de la religion de son entourage ou de la société encore marquée par la religion) : nous n'avons pas été raisonnables, nous avons trop joui et abusé de la planète. Cette posture morale n'est pas seulement tenue par les écologistes, elle peut aussi être tenue par d'autres idéologies, qui postulent par exemple que nous sommes dans une ère décadente. Ainsi, Pietro San Georgio ne nous parle pas seulement d'effondrement de la biodiversité, mais aussi de la chute des valeurs morales : "Les baby-boomers, eux, n'ont jamais eu à se fouler vraiment : trop jeunes pour les dernières guerres coloniales, sans jamais avoir de problème pour trouver un emploi, ils ont bénéficié de toutes les prouesses technologiques et médicales, ils ont passé leur jeunesse à s'amuser en expérimentant des drogues, l'amour libre et sans conséquences, et avec la musique à fond ! Ils ont même pris le luxe de remettre en question, depuis le Summer of love et Mai 68, tout l'acquis millénaire de la civilisation occidentale. Écartant toute morale comme une entrave à leur jouissance immédiate, ils se sont ensuite retrouvés à faire du fric dans les années 80 et 90 et sont maintenant aux commandes, montrant toute leur crasse inculture, leur incompétence et leur mépris. Tels des enfants gâtés, ces Américains et Européens nés après-guerre ont dilapidé un capital naturel et culturel millénaire pour leurs petits plaisirs.".
Si la posture morale peut se tenir et même avoir des justifications factuelles (avons-nous été raisonnables de créer un sixème continent, composé de plastique ?), utiliser certains indicateurs qui font montre d'une forte croissance (qui tend à diminuer) est moins pertinent : ces chiffres devraient par la suite se stabiliser, à l'image de la population, soit parce que celle-ci est en lien direct avec ces indicateurs, soit pour des raisons de limitation de ressources. Pour ce qui est des indicateurs liés à la consommation humaine, on peut supposer, le pouvoir dachat occidental se stabilisant (ainsi que le nombre total d'humains), qu'une fois les autres populations du monde arrivées à un certain niveau de vie, ces indicateurs suivront la même tendance (un retard entre les courbes est tout à fait possible avec la hausse du niveau de vie des populations autrefois en situation de forte natalité). Mes les indicateurs liés à la consommation n'auront peut-être guère de retard, avec la baisse des matières premières facilement disponibles aidant (métaux, pétrole notamment conventionnel).
Nous sommes donc sortis d'une trajectoire exponentielle et voyons se dessiner une courbe qui croît de moins en moins vite. La question est alors si l'état final sera une stabilisation, ou une chute non prévue en raison d'un système insuffisament résilient et durable.
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